"Je n'écris pas pour luire ou pour chercher de l'or  /Simplement je voltige"  (Chansons de Roland)    drapeau belge
    
                Georges Roland

Je dédie à ma ville plusieurs poèmes, repris dans la version 2012 de mon recueil "Chansons de Roland" disponible ICI
 

Un poème dédié à BRUXELLES 1958, ma ville perdue

Les rues de mon enfance, aux maisons surpeuplées,
Dans les cuisines-caves où vivaient les anciens
Et les chambres cachées sous les toits, esseulées ;
Les marchands ambulants que poursuivaient les chiens.
Le vent nous apportait des senteurs animales,
Le cheval du crémier, l’âne du rémouleur,
Les relents enivrants de denrées coloniales :

Chaque chose en ce temps prodiguait sa couleur.
Au parfum de ton nom dans l’air que l’on respire,
Il y a dans Bruxelles un pronom qui m’attire.


L’appel des camelots par-dessus la pagaille,
Les vendeuses d’agrumes au regard implorant :
Trois citrons pour cinq francs, attention la flicaille
Nous embarque illico lorsqu’elle nous surprend !
À l’automne venu on rôtit les châtaignes
Chauds, chauds, les marrons chauds que l’on vend à prix d’or.
Pas besoin d’emballage aux allures d’enseigne,
Dans le pan d’un journal la brûlure s’endort.
Au parfum de ton nom dans l’air que l’on respire,
Il y a dans Bruxelles un pronom qui m’attire.


Saint-Jacques bord de Senne ou quartier des Marolles
Aux impasses feutrées, victimes des boursiers,
Vous avez des accents imprégnés de gloriole
Qui firent les beaux jours de commis épiciers.
Dans la rue un crieur sans doute de Hollande
D’un geste familier propose ses harengs,
Une vieille ridée vous réclame en offrande
Sept francs pour un litre de potage odorant.
Au parfum de ton nom dans l’air que l’on respire,
Il y a dans Bruxelles un pronom qui m’attire.


Mon école a un maître parfait en musique,
Et sa voix de stentor, à travers les préaux,
Nous rappelle que l’ordre est ici sans réplique,
Qu’il n’est de bons garçons que soumis et féaux.
La rue nous appartient, jeunes chiots dont l’audace
N’a d’égale que la volonté d’exister.
À quatorze ans à peine, un sourire à la face,
Je m’en vais au café pour apprendre à twister.
Au parfum de ton nom dans l’air que l’on respire,
Il y a dans Bruxelles un pronom qui m’attire.


Est-ce la nostalgie ou bien l’agacement
Que le fil de nos jours ait perdu notre empreinte ?
Le démon de l’enfance apparaît en tourment,
La vie se chargera d’en éroder l’étreinte
Comme abdique la mer lorsqu’elle se retire.
Les jours anciens sont morts, et les rues et les gens.
Le parfum de ton nom dans l’air que l’on respire,
A fait place aujourd’hui à l’odeur de l’argent.
Il y a dans Bruxelles un pronom qui m’attire.

extrait de Chansons de Roland

 

        LA SENNE

       Bruxelles se garnit de rues plébéiennes
  Où l’on croirait marcher sur le flot de la Senne
 
   D’impasses en lavoirs, de ruisseaux en moulins,
      Elle a bercé la ville en ces temps cristallins
     Où un roi imbécile assaillit sa Grand-Place,
   Où ‘t Serclaes furibond ne manqua point d’audace.
     Mais la marche du siècle a comblé ses fossés,
              Abattu ses remparts, malaxé, désossé
La cité de jadis aux murailles de sable,
La marquant à jamais de l’empreinte du diable.

Bruxelles se garnit de rues plébéiennes
Où l’on croirait marcher sur le flot de la Senne

Rue Marché au Charbon au tracé sinueux
De la Petite Senne au débit sommeilleux,
Les iris de tes berges au parfum de jachères
Qui attise mes sens, m’exalte et me libère,
Je les cueille en bouquets destinés à ma belle,
En souvenir des jours passés là, avec elle :
Ce bout d’éternité en tes murs, dans ta gloire,
Nous sommes à jamais mêlés à ton histoire.

Bruxelles se garnit de rues plébéiennes
Où l’on croirait marcher sur le flot de la Senne

Au couvent des grands Carmes le temps est martelé
Par un jaquemart nu, sur un airain fêlé ;
Le marchand d’almanachs nous vendra la recette
D’une tarte au fromage ou d’un plat de doucette
Tandis qu’aux coins des rues les chiffonniers s’affairent
À la recherche d’os de papier ou de fer.
Tout un monde enterré dans le fossé maudit
Et la guerre aux impasses, aux venelles, aux taudis.

Sous les rues de la ville coule encore la Senne
Mais Bruxelles bannit ses rues plébéiennes.


 

 

Barbara Y. FLAMAND, écrivain belge (Les vertiges de l'innocence, Les confessions de l'ogre planétaire)  membre de l'Association des Écrivains Belges, a accepté de lire et de critiquer
mon recueil de poésie :

"Chansons de Roland"
disponible en livre papier et électronique sur AMAZON
Chansons de Roland 2012dans toute librairie (ISBN 978-2-9600805-0-6 et sur ce site

Georges Roland est connu pour son humour bruxellois : « Brol aux Marolles », « Cahots dans le métro »… Mais son dernier roman : « Le pantin de l’impasse » élargit sa réputation. C’est un romancier capable de pénétrer le tragique d’un personnage et des situations qu’il provoque. Cependant, il serait dommage de limiter son talent à celui de prosateur, Georges Roland est poète. Des poètes, il n’en manque pas. Je dirais même qu’ils sont pléthoriques chez nous. Qui n’écrit pas un jour ou l’autre des poèmes parce qu’il est jeune ou tombe amoureux ?  Je pense qu’on naît poète avec cette faculté de poser sur les choses un regard chargé d’une sensibilité aiguë, et de rendre les faits et sensations avec ce supplément d’âme.
Dans un recueil, présenté sous une couverture de Bernadette Nef d’une élégance raffinée et suggestive, Georges Roland nous livre une matière abondante dans laquelle on palpe continuellement la vie et où on entend le cœur battre. S’il est question d’amour, tendre, érotique, fraternel, filial, le lecteur sensible se dira : « Il parle avec mon cœur. » Car dans les poèmes intimes, le moi ne s’enferme pas dans une bulle, il est proche de celui du semblable qui aime, souffre, espère, désespère. « C’est que sachant n’être que cendre / Dans l’univers démesuré / Nous avons pris ce qu’on peut prendre / Subi ce qu’il faut endurer / Alors mon amour sans bagage / Toi dont le cœur s’unit au mien / Restons encore en ce mirage / Soyons ceux qui ne savent rien. «  (La tendresse  )

« Les chansons de Roland » n’expriment pas que les divers balancements du cœur, vivre, c’est affronter quotidiennement la vie dans les événements proches : « La boxe la boxe on en fait tous les matins / La boxe la boxe c’est notre pain quotidien. » (La boxe) et socio-politiques : «  La matraque » dont voici un extrait : «  Elle est pourtant / L’arme de choix / De nos prisons / De nos manifs / Elle est pourtant / A l’unisson / Un étendard / Pour le bon droit. » Dans sa vision des différents aspects du monde, les mots s’accordent en images fortes, percutantes. Et cette vision relève à la fois de l’idée et de l’affect.
Dans l’approche critique des dérives ou outrances de notre société, l’humour et la satire deviennent le moyen d’expression de G.R. un moyen dont il use avec habileté et drôlerie. Citons : : « Adonis » « Portrait d’artiste », « Les néologues, « Ils » : « Ils ont de grandes fardes pleines d’idées / Ils ont les yeux cavés des nuits de sortance /Ils ont un avenir bien plus qu’un métier / Ils ont un bel endroit pour cacher un envers /Ils sont les technocrates d’un nouvel univers. »
Il arrive que l’auteur prenne un détour, le poème devient alors symbolique,: « Intermède I », chemin très inventif vers l’absurdité, ou allusif : « Sur un thème de Prokofiev » , très beau poème dans lequel on perçoit, sans que l’événement soit mis à nu, la contamination nucléaire.

D’un bout à l’autre, le poète répercute la vie, tout ce qu’elle imprime dans son être et dans la collectivité de laquelle il ne se sépare pas mais à laquelle il s’associe en témoignant, en extériorisant la trace que l’événement laisse dans sa vie et dans l’humanité. Si, parmi ses émotions, l’amertume prend place :  « Je ne vois plus guère / Au trop plein de la misère / Comment résister sans être caparaçonné / D’indifférence. », l’attachement à la vie refait toujours surface : «Il ne faut rien maudire / Ni la Terre-Animal qui gronde impunément / Ni l’emprise du temps qui vieillit votre enfant. »  Et puis…l’amour sauve : «  …Mais tes yeux auront toujours vingt ans / Leur éclat l’emporte / Sur le voile blanc / Et je veux graver l’ombre / De ces mots suprêmes / Je t’aime. »
Restons dans le sentimental en donnant un extrait de « A mon père » : « J’n’aurais pas cru t’aimer autant / Avoir si mal de ne plus te voir / Et puis voilà plus de trente ans / Que tu es parti sans crier gloire / Et moi je suis resté tout seul / A méditer sur mon douloir / A me moucher dans ton linceul / Prendre mes erreurs pour des victoires. »

Modestement le poète écrit : « Je n’écris pas pour luire ou pour chercher de l’or / Simplement le voltige / Ma chanson restera un petit ru discret / Abreuvant les grenouilles les vaches les gorets / Je le veux je l’exige. »
Un ru discret ? Non. Ces chansons renouent avec l’art poétique, expression désuète aujourd’hui quand un poème se dit poème en alignant simplement des images, originales, peut-être, mais privées de substance. Les poèmes de G.R. sont réguliers, classiques donc, mais très modernes par l’écriture, d’une grande variété de tons, d’une tournure très personnelle, cadencée, musicale même.

Résumons : poèmes intimistes, poèmes humoristiques avec drôlerie, critiques, satiriques, poèmes contenant des références historiques… Une grande diversité dans laquelle, pourtant, apparaît un trait commun, l’amour ; il traverse tout le recueil. Hors les poèmes d’amour dont il est le thème, il est en transparence dans le choix même du propos, attestant du lien du poète avec ses intimes et avec la société, il est dans la résonance émotive de sa parole.


Barbara Y. Flamand
(8/10/2012)

illustrations de couverture: Bernadette NEF

10,00€

 Tantôt cri, tantôt chanson, tantôt vers libre, cette expression rapide et lancinante, va du rire aux larmes sans crier gare. L'écriture couvre quarante années, c'est dire que le style en est varié.

 Envols d'amour et de révolte, soucieuse de métrique et de   consonance, cette poésie s'appuie souvent sur la musique de chansons connues, de Brel, Brassens, Ferré, et d'autres. Quelquefois, la musique classique se glisse au rythme des vers, de Beethoven à Prokofiev.

 Ce serait un jeu de retrouver ces mélodies, ou de leur en offrir une nouvelle.

 L'acrostiche « Bernardiennes », écrit en 1963, a servi d'aire d'envol de cette poésie. Mon goût prononcé pour l'hexamètre, et son fils, l'alexandrin, ne m'a pas empêché de recourir à l'impair.

 J'ai aussi utilisé l'argot, le néologisme, et l'anacoluthe.

 

Le livre est paru aux éditions bernardiennes, format 14 x 20cm, 100p.
On peut l'acheter sur ce site, voir
la page infos pratiques.

Chaque titre expédié porte la signature de Georges et dispose d'un signet ilustré par Bernadette NEF.




 
 
 



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